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Le Conseil constitutionnel a retiré la loi sur le harcèlement sexuel, et avec elle, toutes les procédures actuellement en cours. La classe politique demande une nouvelle loi, mais celle-ci prendra du temps.
C'est une véritable bombe que vient de lâcher le Conseil constitutionnel : les Sages ont tout simplement abrogé hier la loi qui réprimait le harcèlement sexuel en France. Toutes les poursuites en cours sont annulées. « Actuellement, il est permis de harceler sexuellement », s'inquiète l'AVT (lire ci-contre). Retour sur une situation ubuesque.
=> Comment en est-on arrivé là ?
À l'origine du retrait de cette loi figure un procès : celui de Gérard Ducray, 70 ans, conseiller municipal de Villefranche-sur-Saône et ancien député, condamné en première instance puis en appel pour harcèlement sexuel. Pourvu en cassation, son avocat a l'idée de contester la loi, par le biais d'une procédure assez récente baptisée QPC (Question prioritaire de constitutionnalité).
=> Pourquoi le Conseil constitutionnel a-t-il abrogé la loi ?
L'article incriminé du code pénal ne définit pas assez clairement le délit reproché. Depuis 2002 en effet, le texte caractérise « le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle ». Dans le texte original de 1992, la formulation était plus précise et impliquait clairement « un abus d'autorité ». Selon l'avocat de Gérard Ducray, le code pénal, laissant au juge une trop grande marge d'appréciation, permettait « tous les débordements, toutes les interprétations ». Les Sages lui ont donné raison.
=> Les conséquences judiciaires ?
Son abrogation « est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement », c'est-à-dire toutes les procédures allant jusqu'à la cassation, et également, toutes les affaires de harcèlement sexuel actuellement en cours. Gérard Ducray s'est dit « très heureux de cette décision ».
=> Les conséquences politiques ?
Cette décision a ému la classe politique dans son ensemble. Nicolas Sarkozy s'est engagé hier soir, «s'il est réélu», à soumettre au Parlement, un projet de loi sur le harcèlement sexuel. Une nouvelle loi également promise par François Hollande , « s'il est élu».
=> À quand une nouvelle loi ?
Les élections, présidentielles puis législatives, vont rallonger les délais. D'autant qu'une nouvelle loi, plus précise, doit être rédigée. Entre le projet et la promulgation au Journal Officiel, il pourrait s'écouler une dizaine de mois. D'ici là, a précisé l'Elysée, le ministre de la Justice donnera instruction aux parquets de poursuivre les faits de harcèlement sexuel sur d'autres bases juridiques.
=> Aurait-on pu éviter cette situation ?
Une précédente loi sur les violences faites aux femmes a été votée en juillet 2010. Celle-ci devait justement permettre de préciser le harcèlement sexuel. Mais, selon l'AVT, la ministre Nadine Morano serait intervenue « avec verve » devant la commission des lois du Sénat pour demander l'annulation de la modification, au grand dam de l'association qui parle d'une « responsabilité institutionnelle et individuelle ».
« Une véritable catastrophe pour les victimes »
Gwendoline Fizaine, juriste à l'AVT, l'association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail , revient sur les conséquences de l'abrogation de la loi.
=> La loi abrogée, que va-t-il advenir de toutes les procédures en cours ?
Maintenant que la loi n'existe plus, le délit n'existe plus. Cela signifie que toutes les procédures tombent et que les nouvelles victimes ne peuvent plus déposer plainte. Actuellement, selon le code pénal, il est donc permis de harceler sexuellement. C'est une vrai catastrophe pour toutes les victimes. Il n'y a pas pire scénario.
=> Dans quel état d'esprit se trouvent les victimes ?
C'est humainement un cataclysme pour toutes les personnes concernées : elles ont investi du temps, eu de la souffrance ; elles se sont souvent opposées à leur entourage et elles ont lutté pendant des années. Aujourd'hui, elles ont le sentiment d'avoir lutté pour rien.
=> Toutes ces personnes ont-elles un autre recours possible ?
Il y a toujours l'alternative de porter plainte devant un tribunal civil. Mais à partir du moment où il n'y a plus de loi pénale, les peines de prison n'existent plus. Par ailleurs, cette abrogation va avoir des conséquences sur les procédures devant les Prud'hommes. En effet, ces tribunaux attendent généralement les décisions de justice devant le pénal avant de se prononcer à leur tour...
=> Que comptez-vous faire à présent ?
Nous comptons alerter l'opinion publique. Nous manifestons pour cela ce samedi à 11 heures devant le Conseil constitutionnel à Paris.
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