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El Roslino
Alerte sanitaire... Ou pas ? Les couches Pampers présenteraient des traces de deux substances cancérigènes, selon des analyses d'un laboratoire indépendant. Mais il s'agit d'un raccourci propre à favoriser l'anxiété des jeunes parents. Explications.
COUCHES. C'est l'information anxiogène du jour : les couches de marque Pampers (70% du marché français tout de même) présentent des traces d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) classés cancérigènes.
C'est ce que révèlent des tests menés par le laboratoire indépendant d'analyse SGS et commandés par la société Love and Green qui commercialise des couches bio "faites à 50% de produits naturels", nous précise sa co-fondatrice Céline Couteau.
L'information a été initialement publiée par Le Parisien dans un article pour le moins alarmiste (largement remanié depuis du fait de nombreuses approximations) et reprise un peu partout depuis. Le papier cite ainsi Ludivine Ferrer, directrice de l'Association santé environnement France (Asef) dont Love and Green est partenaire, qui s'alarme de voir ces composants "en contact avec les parties intimes de nos enfants 23h30 sur 24 !" Dit comme cela, il y a de quoi avoir peur.
Des raccourcis anxiogènes
Mais de quoi parle-t-on précisément ? Les HAP forment une très vaste famille de composés chimiques formés suite à une combustion incomplète ou une décomposition de la matière organique par la chaleur. On peut en retrouver à peu près partout : air ambiant, eaux, sols, cosmétiques, produits alimentaires...
Toute la question est de savoir à quelles concentrations on les trouve. La réglementation européenne REACH limite la teneur en HAP des éléments accessibles en matière plastique ou en caoutchouc à 1 milligramme de HAP par kilogramme (mg/kg) de produit fini.
Mais, compte tenu de la vulnérabilité des enfants, cette norme est abaissée sur le marché des jouets et articles de puériculture à 0,5 mg/kg. Et non 0,2 mg/kg comme cela a pu être écrit ici ou là. Autrement dit, pour être dans la norme, 1 kg de couches ne doit pas présenter de concentration supérieure à 0,5 mg/kg.
Les résultats des tests menés sur les couches Pampers que Sciences et Avenir a pu se procurer révèlent en effet la présence mesurable de 2 HAP : du benzo anthracène et du chrysène, deux substances bel et bien classées cancérigènes par le Centre international de recherche sur le cancer qui dépend de l'Organisation mondiale de la santé.
Il convient de préciser que ces substances sont rangées dans la catégorie 1B, soit des "substances dont le potentiel cancérogène pour l'être humain est supposé". Un potentiel cancérigène avéré reclasserait ces substances en catégorie 1A. Cela ne veut bien sûr pas dire que la méfiance n'est pas de mise sur des polluants avérés, mais les présenter comme simplement "cancérigène" est un raccourci propre à nourrir l'anxiété des jeunes parents.
"Lorsque des mesures sont faites selon des procédures homologuées et certifiées (COFRAC) et relèvent des taux inférieurs à la réglementation en vigueur, je n'ai pas d'inquiétude particulière"
Concrètement, plusieurs échantillons de couches Pampers ont été testés sur deux gammes (Baby Dry et Active Fit). Sur 6 HAP recherchés, seuls le benzo anthracène et le chrysène ont pu être mesurés. Selon l'élément des couches étudié (élastique, arrière ou avant de la couche...), la laboratoire SGS a retrouvé sur le voile intérieur de la gamme Baby Dry 0,110 mg/kg de benzo anthracène et 0,104 mg/kg de chrysène.
Mais rien de mesurable sur les autres parties de la couche. La gamme Active Fit présente, elle, des taux légèrement plus élevés uniquement détectés sur les élastiques : 0,194 mg/kg de benzo anthracène et 0,182 mg/kg de chrysène.
Très loin donc des 0,5 mg/kg. Toutefois, on ne plaisante pas avec des agents cancérogène, fussent-ils supposés. Nous avons donc soumis ces résultats au Dr Luc Multigner, médecin épidémiologiste à l'Inserm et spécialiste de l'effet des substances chimiques environnementales sur notre santé.
Il explique ne pas pouvoir se prononcer de façon trop tranchée sans disposer de la méthodologie employée. "Cela étant dit, ajoute-t-il, lorsque des mesures sont faites selon des procédures homologuées et certifiées (COFRAC) et relèvent des taux inférieurs à la réglementation en vigueur, je n'ai pas d'inquiétude particulière. Dans le cas d'espèce, je ne dispose pas d'éléments objectifs mettant en cause le bien-fondé de la réglementation REACH appliquée concernant les HAP". Autrement dit, circulez il n'y a rien à voir. Il faut noter qu'aucun des échantillons de la marque bio Love and Green ne présentait de trace détectable de ces substances (<0,1 mg/kg).
Pas de quoi rassurer la directrice de l'Association santé environnement France (Asef, partenaire de Love and Green), Ludivine Ferrer, qui s'insurgeait auprès du Parisien : "C'est légal mais laisser ainsi ne serait-ce que quelques traces de composants dangereux, c'est moralement trop". Or, en dissociant la dangerosité d'une substance de sa concentration, on quitte brusquement le terrain scientifique évaluant les risques de santé publique pour glisser vers un point de vue moral.
"Le problème, c'est que les seuils limites de la réglementation REACH ne sont pas déterminés en fonction de l'usage des produits réglementés. Une couche se porte presque 24h/24, ce n'est pas la même utilisation qu'une lingette qu'on passe 2 ou 3 fois sur les fesses du bébé pendant la journée par exemple", objecte Céline Couteau qui convient que l'idéal serait de mener une étude au de long terme pour évaluer l'incidence des cancers à l'âge adulte des enfants langés par Pampers ou par des couches bio.
Inutile de dire que c'est là un travail épidémiologique autrement plus complexe que de tester quelques échantillons. Et si, en définitive, le sujet des substances cancérigènes dans les couches Pampers n'était rien d'autre qu'une opération de communication déguisée en alerte sanitaire ?
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