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Mort le samedi 11 février à l'âge de 69 ans des suites d'un cancer, Jiro Taniguchi était adulé en France, bien plus que dans son propre pays, le Japon. Cette singularité tient à son style, contemplatif et littéraire, introspectif et intimiste, très éloigné des stéréotypes que l'on prête habituellement au manga. De lui, on disait qu'il était le plus « européen » des dessinateurs nippons. Le seul capable de faire la synthèse entre deux arts que l'on a souvent opposés, mais qui n'en forment en fait qu'un seul : la bande dessinée et le manga.
« Le paradoxe, c'est que tout en étant mangaka, mon style est assez proche de la bande dessinée à l'européenne et que je mets beaucoup d'éléments dans chaque image. Je me situe sans doute entre la BD et le manga de ce point de vue. Et c'est peut-être ce qui fait que pour certains lecteurs japonais mes mangas sont difficiles à lire », confiait-il à l'écrivain et scénariste Benoît Peeters dans un livre d'entretiens paru en 2013 (Jiro Taniguchi, l'homme qui dessine, Casterman).
Jiro Taniguchi laisse derrière lui une œuvre dense et élégante dont les sommets s'appellent L'Homme qui marche (Casterman, 1995) et Quartier lointain (Casterman, 1999). Influencé par le cinéma d'Yasujiro Ozu, mais aussi par les romans de Boris Vian et de Jean-Marie Le Clézio, il a développé des thèmes longtemps peu traités en bande dessinée, avant que le roman graphique ne s'en empare au tournant des années 2000 : la trivialité de la vie quotidienne, le temps qui passe, le poids des déterminismes sociaux, les non-dits familiaux...
Le voyage « intérieur ».
Dessinateur de l'impalpable, Taniguchi a aussi beaucoup raconté les relations de l'homme avec les animaux et la nature, et ce sans jamais se départir d'une narration lente et apaisée, en rupture totale avec la rapidité de lecture prônée par les grands éditeurs japonais de manga. Le voyage « intérieur » prime chez ses personnages aux traits irrémédiablement mélancoliques - même s'il n'en a pas toujours été ainsi.
Né le 14 août 1947 à Tottori, dans le sud de l'archipel, au sein d'une famille modeste - son père est coiffeur, sa mère femme de ménage et employée de pachinko (les salles de machines à sous) - c'est sur le tard, à l'âge de 22 ans, qu'il décide de devenir mangaka alors qu'il n'a suivi aucune formation artistique et qu'il a commencé une ennuyeuse carrière de cadre dans une entreprise. Le modèle qu'il veut suivre ...
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