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El Roslino
Jeudi 9 mars, la région Île-de-France présidée par Valérie Pécresse a rendu publique sa décision d'appliquer la clause dite Molière, qui impose l'usage du français sur les chantiers publics. Une mesure contestée par Bercy.
«Sur quelque préférence, une estime se fonde. Et c'est n'estimer rien, qu'estimer tout le monde» (Molière, dans Le Misanthrope). C'est probablement ce raisonnement d'Alceste qu'a suivi le conseil régional d'Île-de-France, jeudi, en présentant son plan pour encourager l'accès des PME aux marchés publics de la Région. Parmi une série de mesures, figure la clause dite «Molière» qui impose l'usage du français sur les chantiers publics. Ce qui, dans les faits, exclut la présence d'ouvriers étrangers non francophones, à moins de disposer d'un interprète sur chaque chantier.
Dans les faits, cette clause revient à exclure la présence d'ouvriers étrangers non francophones, à moins de disposer d'un interprète sur chaque chantier.
Si la fameuse expression de «préférence nationale» n'est pas employée, l'objectif est bien de privilégier les salariés français dans l'octroi du milliard d'euros annuel de commandes publiques de la Région (dont la moitié concerne le secteur de la construction). Contactés, les services de la présidence du conseil régional, à majorité LR, soulignent que l'ouverture des marchés publics aux TPE-PME est un engagement de campagne, et que l'objectif principal de la mesure est d'assurer la sécurité sur les chantiers, en exigeant la compréhension des consignes de sûreté. «Cette clause est conforme aux règles de la commande publique», précise-t-on dans l'entourage de Valérie Pécresse, la présidente LR. La présidence admet toutefois également lutter contre le «dumping social».
Plus précisément, se cache derrière cette mesure le problème des «travailleurs détachés», ces salariés étrangers, qui, en vertu d'une directive européenne, peuvent œuvrer en France, tout en étant soumis aux charges sociales, plus basses, de leur pays d'origine. Le travail détaché concernait 285.025 contrats en 2015 en France, d'après la commission de lutte contre le travail illégal, un chiffre en hausse de 25% par rapport à 2014. Actuellement, cette directive est en cours de renégociation au niveau européen, mais le processus est long et compliqué. D'où la décision conservatoire de la région Île-de-France, qui suit celles des régions Normandie, Hauts de France, Pays-de-Loire et Auvergne-Rhône-Alpes.
Lorsque Laurent Wauquiez, président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, avait pris la décision d'appliquer la clause en janvier, il avait trouvé sur sa route le préfet de région Michel Delpuech, qui avait demandé le retrait de la délibération, «susceptible de créer une discrimination fondée sur la nationalité des entreprises candidates», et impossible à appliquer juridiquement.
Des responsables du ministère des finances parlent de mesures racistes, discriminatoires et inapplicables.
Ironie du sort, alors que l'issue du conflit est incertaine en Auvergne-Rhône-Alpes, le préfet a depuis troqué son siège lyonnais pour... l'Île-de-France. Dans l'immédiat, la préfecture n'a pas pris position sur la décision du conseil régional d'Ile-de-France. Néanmoins dès cet après-midi, des responsables au ministère de l'Économie et des Finances évoquaient à l'agence Reuters «des mesures racistes, discriminatoires et inapplicables». Saisie par le ministre des Finances Michel Sapin, la direction des affaires juridiques de Bercy devrait se prononcer rapidement sur la légalité de la clause Molière.
En pleine campagne présidentielle, et à 45 jours du premier tour, cette mesure et les remous qu'elle suscite n'ont rien d'anodin. Si le cabinet de la présidence régionale assure que «cela n'a rien à voir» avec les élections, Jérôme Chartier, vice-président du conseil régional et par ailleurs un des plus proches conseillers de François Fillon, a mis en avant une «volonté politique», sans plus de précision. Le débat des prochaines semaines va-t-il s'emparer de la question des travailleurs détachés? Molière aurait pu y trouver matière à une intrigue piquante.
Le Figaro
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