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El Roslino
Dans un livre qui vient d'être traduit en français, le Suisse alémanique suit Robert Louis Stevenson, auteur de la fameuse histoire de pirates. Rencontre dans son bar à Olten.
Et si Robert Louis Stevenson, célèbre auteur de L'île au trésor, en était justement un, de chasseur de trésors? Et s'il l'avait trouvé? Dans Voyageur sous les étoiles, l'écrivain Alex Capus emmène le lecteur sur les traces du dandy écossais qui a vécu les quatre dernières années de sa vie aux îles Samoa (en Polynésie). Il y menait un train de vie que même son statut de romancier à succès ne pouvait lui assurer. D'où venaient donc ses ressources? Avançant les pièces du puzzle en historien, les assemblant en écrivain, l'auteur ficelle peu à peu un récit passionnant, paru récemment en français.
Pour l'évoquer, Alex Capus, 55 ans, reçoit dans son bar. Pas l'ancien café de cheminots avec vue sur la gare d'Olten dont il était auparavant copropriétaire, mais le Galicia, à quelques minutes à pied, toujours dans le même quartier. Un bistrot avec décoration hispanique et aux hauts plafonds, avec salle à l'arrière où alternent concerts, performances et théâtre. «Je trouvais qu'un tel lieu manquait à Olten, et j'ai besoin, à côté de mon activité d'écrivain, d'être dans le concret.» D'ailleurs, il sert derrière le comptoir tous les lundis soir.
«Je trouve la réalité de l'histoire de Stevenson tellement belle qu'il me paraissait dommage d'y rajouter de la fiction. Et en tant que lecteur, j'aimerais pouvoir me fier à ce jeu de détective de l'auteur.»
Son bar, ce fils de père normand et de mère suisse allemande l'a acheté grâce aux revenus de Léon et Louise (Actes Sud, 2012), best-seller inspiré de l'histoire de son grand-père, à Paris. Traduit dans plus de vingt langues, le roman basé sur des faits réels frise aujourd'hui le million d'exemplaires vendus. «Ça a changé ma vie, ça m'a donné droit à une retraite confortable, une retraite d'instituteur, bien meilleure que celle de la majorité des artistes.» D'ailleurs, ce n'est pas avec son bar qu'il vit: «Pour l'instant, ce sont plutôt les revenus de mes livres qui le financent», détaille le germanophone dans un excellent français.
Sorti en allemand en 2005 déjà, bien avant Léon et Louise, son enquête dans les pas de Stevenson est passée relativement inaperçue à l'époque. «Le livre est tombé entre deux chaises, ce n'était ni un documentaire ni un roman. En Allemagne, on n'aime pas ce qui est difficile à classer.» L'écrivain publie entre-temps une triple biographie de personnages hors normes (Le faussaire, l'espionne, le faiseur de bombes). Reparu en 2015 chez Hansel, Voyageur sous les étoiles a été traduit en français peu après. «Je suis surpris et ravi de voir à quel point sa parution suscite l'intérêt des francophones.»
Une idée en or.
Il y a de quoi. Car le sujet constitue une mine d'or à lui seul. Il lui a été suggéré dans une lettre d'un lecteur, ancien businessman suisse retraité en Nouvelle-Zélande, qui affirmait avoir trouvé la véritable île au trésor de Stevenson. Pas la célèbre Cocos Island, au large du Costa Rica, où se sont succédé les expéditions, mais Tafahi, petit bout de terre volcanique surgissant dans l'océan Pacifique, à une journée de bateau à peine de l'île où résidait l'Ecossais. «Normalement, je choisis seul les thèmes de mes livres. Mais cet homme m'a joué un tour: il m'a envoyé de belles cartes navales d'époque. Elles ont piqué ma curiosité.» Capus n'a pas lu L'île au trésor dans sa jeunesse, ce «roman de garçon». «Moi c'était plutôt Maupassant, Tolstoï, Dostoïevski, même si c'est un peu prétentieux de le dire.»
Alex Capus n'a pas non plus l'âme d'un chasseur de trésors: «J'ai les pieds sur terre, je ne me lance pas à la recherche de chimères. J'aime voyager, mais j'aime revenir aussi. Olten c'est chez moi. J'y ai grandi. Et je trouve la démarche de vouloir s'enrichir sans se donner la peine de travailler assez triviale. Mais l'idée était tellement fantastique que j'ai eu envie de vérifier par moi-même.» Car il aime, par-dessus tout, apprendre des choses.
Le voilà donc parti il y a plus de dix ans déjà, en famille, dans les mers du Sud. Ce père de cinq enfants entre 6 et 27 ans, marié à une professeure de droit, aime emmener sa tribu. Il se rend cinq étés de suite aux îles Samoa: «Il y a cependant certains endroits où je vais seul.» Comme la fameuse Tafahi, qui n'a rien selon son récit «d'une destination touristique».
«J'aime épuiser un sujet.»
Mettant bout à bout les informations récoltées sur le terrain et par la magie des archives numériques, il acquiert la conviction que Stevenson était bien à la recherche du trésor. L'a-t-il trouvé? Capus ne tranche pas, car, malgré des coïncidences troublantes, il n'en a pas la preuve: «Je trouve la réalité de cette histoire tellement belle qu'il me paraissait dommage d'y rajouter de la fiction. Et en tant que lecteur, j'aimerais pouvoir me fier à ce jeu de détective de l'auteur.»
Ses conclusions, il les a présentées lors du Festival Fringe à Edimbourg. Personne ne les a contestées. «J'avais apporté les preuves avec moi. Quand je fais des recherches, je n'arrête que lorsque je ne trouve plus rien. J'ai la prétention d'épuiser un sujet», avance-t-il en riant. (24 heures)
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