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El Roslino
Il y a 40 ans on nous promettait tous les maux, des enfants malformés, mais cette centrale a été un îlot de prospérité pour ce territoire. Pour les salariés et les habitants de Fessenheim (Haut-Rhin), la fermeture à venir de la centrale nucléaire de la ville est une hérésie.
Dans la nuit de vendredi à samedi, le réacteur n° 1 a été débranché, avant le second qui sera arrêté le 30 juin. L'opération s'est déroulée sans anicroches, malgré les menaces de certains salariés qui affirmaient vouloir perturber le processus de mise à l'arrêt. Il faut saluer le travail remarquable des équipes, ça a été un moment très fort en émotion dans la salle de commande, a-t-on précisé du côté d'EDF.
Les salariés et habitants de Fessenheim, eux, se sont réveillés groggy. Les élus de la communauté de commune se sont réunis dans le village et se sont déplacés ensuite devant la centrale pour déployer une grande banderole sur laquelle était écrit : Fermeture exemplaire de Fessenheim... Le César de la promesse non tenue est attribué au gouvernement Macron.
Sacrifié sur un autel politique.
Écharpe en bandoulière et bonnet rouge sur la tête, en référence au mouvement des Bonnets rouges en Bretagne, qui avait fait reculer le gouvernement sur l'écotaxe en 2013, ils ont exprimé leur soutien aux agents EDF qui vont voir disparaître leur outil de travail dans un délai rapide. On a sacrifié cette centrale sur un autel politique, a résumé Gérard Hug, président de la communauté de communes.
Claude Brender, le maire du village, souligne que la centrale a représenté un îlot de prospérité pour ce territoire. Il ajoute : On est dans l'affichage politique, on veut fermer Fessenheim pour le symbole qu'elle représente, sans prendre en compte les besoins du territoire.
Ému, Jean-Luc Cardoso, un syndicaliste et salarié de longue date, a pris la parole au nom de ses collègues lors de ce rassemblement, devant la centrale. Il a remercié les élus de leur soutien.
Nos collègues ont dû réaliser des actes pour lesquels on n'est pas programmé, a-t-il regretté, à propos de l'équipe de nuit qui a débranché le réacteur. Il va y avoir un trou d'air de 10 ans (avant l'ouverture du technocentre appelé à remplacer la centrale, N.D.L.R.), ça laisse pantois !.
Dans l'après-midi, environ 150 personnes, agents et anciens salariés de la centrale, mais aussi chercheurs et militants pro-nucléaire, se sont également réunies devant la centrale pour dénoncer sa fermeture. Une pancarte proclamait « L'énergie nucléaire, une chance pour la France ». Tous s'insurgent contre une décision purement politique, jouant sur la peur mais ne répondant à aucune considération sécuritaire ou écologique.
La centrale alsacienne, mise en service en 1977 à la frontière avec l'Allemagne, non loin de la Suisse, générait 2 000 emplois directs et induits.
Les salariés d'EDF seront tous reclassés dans d'autres sites EDF, a de nouveau promis Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, samedi sur France Info. Environ 750 salariés sont concernés aujourd'hui. Ils auront tous une proposition de reclassement chez EDF. Certains ne vont pas souhaiter partir, pour des raisons familiales, ce que l'on peut tout à fait comprendre. Ils seront accompagnés pour retrouver un emploi.
Plus tard dans la matinée, Raphaël Schellenberger, député (LR) de la circonscription de Fessenheim, a pourtant regretté le peu d'implication de l'État. Je n'ai vu aucune idée de reconversion qui vienne de l'État, toutes les idées viennent de nous, a-t-il insisté.
La ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne a confirmé vendredi la volonté de l'État de créer à Fessenheim un centre d'excellence du démantèlement nucléaire, s'appuyant sur un technocentre pour le recyclage des matériaux métalliques. Selon Claude Brender, c'est le seul projet industriel réaliste qui est sur la table.
Une balle dans le pied.
Un projet qui pourtant fait déjà bien des mécontents... Ainsi, si la fermeture à venir de la centrale est une victoire pour les antinucléaires, ceux-ci ne désarment pas et ils sont déjà vent debout contre ce projet de Technocentre.
Nous nous battrons résolument contre ce projet, a affirmé André Hatz, président de Stop Fessenheim et porte-voix des opposants à la doyenne des centrales françaises. Celui-ci parle d'erreur pour la santé des habitants et d'erreur politique pour le territoire.
Si on veut attirer des entreprises de pointe, le projet de Technocentre, c'est se tirer une balle dans le pied. On fait sortir le nucléaire par la porte, on le fait rentrer par la fenêtre, s'est aussi insurgé Daniel Reininger, président de la fédération Alsace Nature.
C'est la première défaite en France du lobby du nucléaire mais il est encore très vaillant. Penser que la bête est morte, ce serait se tromper, a mis en garde M. Reininger.
« Satisfaction. »
De l'autre côté des frontières, en Allemagne et en Suisse, la fermeture prochaine de la centrale alsacienne reste aussi une satisfaction.
« Le démantèlement de la centrale nucléaire de Fessenheim rend également l'Allemagne plus sûre », a ainsi indiqué la ministre allemande de l'Environnement Svenja Schulze. « L'abandon progressif de l'énergie nucléaire en Allemagne est gravé dans le marbre mais nous continuerons à faire campagne pour que nos pays voisins abandonnent l'énergie nucléaire (...) Les énergies renouvelables sont clairement la meilleure solution ».
L'évacuation du combustible de la centrale sera normalement achevée en 2023. Ensuite doit se poursuivre la phase de préparation au démantèlement, processus inédit en France à l'échelle d'une centrale entière qui devrait commencer à l'horizon 2025 et se poursuivre au moins jusqu'en 2040.
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