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Le scénario égyptien d'une coupure quasi totale de l'accès à Internet est-il transposable en France ? Techniquement, comment l'Etat français pourrait bloquer les connexions au réseau des réseaux ?
Au cours des manifestations déstabilisant son régime, le gouvernement égyptien a ordonné aux principaux fournisseurs d'accès à Internet (FAI) du pays de couper tout accès à Internet. Une solution radicale que seule la Birmanie avait osé utiliser, en 2007. La France pourrait-elle connaître une forme de censure aussi extrême ? Et si oui, par quels moyens techniques ? C'est le scénario que nous avons soumis à plusieurs experts en télécoms.
Premier élément de réponse : « Il n'y a pas de point d'accès unique permettant de couper d'un seul coup l'ensemble des accès à Internet en France, explique Stéphane Lelux, président du cabinet de conseil Tactis. Cela existe dans certains pays comme la Birmanie, la Sierra Leone ou dans de nombreux pays d'Asie centrale et d'Afrique qui mettent en place une Gateway internationale unique. »
En l'absence d'interrupteur général, l'Etat français devrait donc ordonner à chaque FAI de couper la connexion de leurs abonnés. C'est d'ailleurs, ni plus ni moins, ce qu'a fait le gouvernement égyptien, qui a demandé aux quatre opérateurs nationaux de bloquer l'accès aux serveurs domain name system (DNS, le système chargé de la gestion des noms de domaine sur Internet) et au protocole de routage border gate protocol (BGP).
Coupure en moins de 24 heures
Comme en Egypte, l'immense majorité des connexions Internet en France est gérée par une poignée de FAI. Cette situation faciliterait une coupure générale. « Avec la concentration récente des FAI en seulement quelques gros acteurs, il est plus facile de réaliser une coupure de l'accès à Internet pour 90 % des connexions », souligne ainsi Arnaud Luquin, vice-président de FDN
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La collaboration des principaux fournisseurs est donc nécessaire pour une coupure importante. Techniquement, ce blocage de l'accès au DNS et au BGP pourrait être mis en place très rapidement. « Un FAI peut couper l'accès à Internet de l'ensemble de ses clients en moins de 24 heures », poursuit Arnaud Luquin. Une estimation qui nous a été confirmée par des sources proches des opérateurs.
Si plus de 90 % des connexions peuvent être coupées en moins d'un jour, il est en revanche impossible de neutraliser l'ensemble des accès. « Il resterait encore des dizaines d'opérateurs alternatifs, dont les FAI dédiés au monde de l'entreprise ou les opérateurs dédiés à certaines communautés comme le réseau Renater des universités », indique ainsi Stéphane Lelux.
Pas de coupure à 100 %
De plus, « La France est traversée par de nombreux backbones transeuropéens et internationaux sur lesquels des centaines de points techniques rendent un branchement provisoire toujours possible pour un opérateur qui le souhaiterait. »
Et le satellite ? Là aussi, le blocage serait difficile, car aucun brouillage à l'échelle d'un pays n'est aujourd'hui possible, poursuit le consultant. Quant à l'Internet mobile, même si les opérateurs acceptaient de couper toute connexion data en France, elle resterait disponible en zones frontalières. Elles sont nombreuses en France, comme en Corse, largement couverte par Telecom Italia.
Dans ce contexte, « il serait facile d'organiser une résistance », conclut Stéphane Lelux. Au final, le scénario égyptien semble donc techniquement transposable en France. Mais les conséquences seraient moins désastreuses, car les alternatives sont plus nombreuses. Et au-delà de la technique, la législation française ne permet pas une telle censure... du moins pas encore.
(1) FDN, pour French Data Network, FAI militant pour un accès neutre et non filtré à Internet.
Légalement impossible...pour l'instant
« Les autorités françaises ne peuvent pas contraindre un FAI à couper les connexions à Internet de l'ensemble de ses clients, en l'état actuel de la législation », souligne Olivier Iteanu, avocat spécialisé dans les nouvelles technologies. Il rappelle notamment que l'accès à Internet en bas débit est intégré au service universel prévu, par des directives européennes. Le juriste note cependant une tendance récente à « considérer les FAI comme des collaborateurs de l'autorité public », dans le cadre de mesures de surveillance mises en place par la loi Hadopi.
Et ce ne serait qu'un début. Pour Jérémie Zimmermann, du collectif La Quadrature du Net : « L'article 4 de la Loppsi, en instrumentalisant la lutte légitime contre la pédopornographie sans attaquer le problème à la source, impose le filtrage du Net et ouvre la porte à sa généralisation. »
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