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El Roslino
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Treize ans après les faits, le procès du crash de l'Airbus A330 d'Air France dans lequel 228 personnes ont perdu la vie s'ouvre lundi à Paris. Les parties civiles espèrent obtenir des réponses de la part des deux géants de l'aéronautique qui continuent de nier leur responsabilité dans la catastrophe.
Après plus de dix ans de procédure et un revirement de la justice qui avait dans un premier temps prononcé un non-lieu, l'heure du procès pour "homicides involontaires" a sonné pour Air France et Airbus. À partir du lundi 10 octobre, les deux fleurons français de l'aéronautique comparaissent devant le tribunal correctionnel de Paris. Ils feront face aux familles des 228 passagers et membres d'équipage décédés dans le crash du vol AF447 reliant Rio de Janeiro à Paris survenu 1er juin 2009.
C'est peu dire que ce procès hors norme est attendu par les parties civiles, ballotées depuis une décennie dans un labyrinthe judiciaire fait d'expertises et de contre-expertises réclamées par Airbus.
"Nous attendons ce procès avec impatience mais aussi une certaine fébrilité", confie Danièle Lamy, la présidente de l'association Entraide et Solidarité AF447 qui a perdu son fils dans le drame. "Cela va nous replonger dans des moments extrêmement douloureux mais ce procès est absolument indispensable pour la mémoire des disparus et pour les familles", ajoute-t-elle.
"Les familles des victimes souhaitent une reconnaissance de culpabilité" de la compagnie et du constructeur européen, explique Maître Sébastien Busy qui représente plusieurs parties civiles."Jusqu'ici, il n'y a pas de responsables et les deux personnes impliquées estiment que cet accident ne serait que la conséquence d'une série de malchances".
Pour les 476 parties civiles, le drame qui s'est noué au-dessus de l'océan Atlantique est au contraire le résultat d'un enchaînement de dysfonctionnements, de négligences et d'attentisme de la part d'Airbus et d'Air France.
"Le procès des morts"
Les investigations du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) avait établi dès juillet 2012, la série de défaillances humaines et techniques qui avait conduit au crash.
Le 31 mai 2009, l'Airbus A330 affrété par Air France décolle de Rio de Janeiro pour rejoindre Paris. Mais aux larges des côtes brésiliennes, les pilotes du vol AF447 sont confrontés à un phénomène météorologique fréquent appelé "le pot au noir", une zone d'orages instables qui provoque de fortes turbulences et une atmosphère givrante.
Dans ces conditions extrêmes, du gel se forme sur les sondes Pitot, des tubes de nickel situés à l'avant de l'appareil qui fournissent en permanence des indications sur la vitesse de l'avion. Les pilotes reçoivent alors des données erronées sur la vitesse de l'appareil. Trompés par les sondes défectueuses, ils pensent que l'avion perd de l'altitude.
Les conversations de vol obtenues grâce à la découverte deux ans après le crash des boîtes noires de l'appareil traduisent l'incompréhension qui règne dans le cockpit. À l'époque, les pilotes n'ont aucune formation pour faire face à ce genre de situation.
Pour reprendre de l'altitude, ils font ce qui leur paraît le plus logique dans ces circonstances : ils tirent sur le manche pour cabrer l'avion. La manœuvre s'avère fatale. Le nez est trop relevé, la vitesse trop basse. L'avion atteint 38 000 pieds et perd sa portance dans l'air. Il tombe comme une pierre. L'alarme de décrochage "STALL" retentit et en moins de quatre minutes, l'A330 s'abîme dans l'Atlantique.
Lors de ce procès, Airbus devrait une nouvelle fois insister sur ce qu'il considère comme des erreurs de pilotage pour se dédouaner de toute responsabilité. "On fait le procès des morts qui ne peuvent pas se défendre", déplore Maître Jean-Claude Guidicelli qui représente le père de Clara Amado, une hôtesse de l'air décédée dans le crash. "Mais dans la hiérarchie des responsabilités, il y a d'abord Airbus qui aurait dû changer les sondes Pitot".
L'attentisme d'Airbus
"Le principal responsable pour nous, c'est Airbus qui a sous-estimé le risque lié au givrage des sondes et n'a pas tenu compte des incidents dans l'année qui a précédé le crash", confirme Maître Busy. "On a la sensation qu'Airbus a attendu en espérant qu'il ne se passe rien".
Un an avant le crash du Rio-Paris, une vingtaine d'événements liés au gel des sondes avait en effet été recensé et porté à la connaissance du constructeur. Des incidents jugés suffisamment graves pour pousser certaines compagnies comme Air Caraïbes et XL Airways à remplacer ces sondes du français Thalès par celles du fabricant américain Goodrich.
Pourquoi Air France n'a-t-elle pas pris une décision similaire ? La compagnie s'était pourtant inquiétée de ces défaillances auprès d'Airbus, selon le BEA
"Air France a préféré garder Thalès parce que c'est une société française", avance Maître Guidicelli selon qui "on a sacrifié des vies sur l'autel du fric et du business". Après la catastrophe, le modèle concerné a été remplacé dans le monde entier.
Pendant les neuf semaines de ce procès, une question devrait traverser en filigrane tous les débats : cet accident aurait-il pu être évité ? Les parties civiles en sont persuadées. Airbus aurait été aveuglé par une foi sans borne dans la fiabilité de son A330. Quant à la compagnie Air France, elle aurait dû mieux informer ses équipages sur les dysfonctionnements rencontrés par les sondes Pitot.
Mais après dix ans de procédure, certaines familles de victimes doutent d'obtenir les réponses qui les hantent. "On risque d'assister à une nouvelle partie de ping-pong entre Air France et Airbus qui se rejettent la responsabilité", affirme Maître Guidicelli.
"Airbus s'honorerait à reconnaître sa part de responsabilité dans l'accident", veut croire Danièle Lamy de l'
association Entraide et Solidarité AF447.
Si la justice retient une faute pénale de leur part, Air France et Airbus risquent une amende dont le montant maximal est de 225 000 euros. Le procès doit s'achever le 8 décembre.
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