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Google Images peut-il référencer des photos considérées comme contrefaisantes selon leur auteur ? Oui vient de décider le Tribunal de Grande Instance de Paris, qui abrite son argumentation derrière la liberté d'information (le jugement du 26 mai 2011).
Fin 2008, le photographe André Rau avait poursuivi Google devant le juge des référés. En cause, sa photo de Patrick Bruel, uploadée plusieurs fois par des internautes sur les blogs d'AuFeminin.com, avait été référencée mécaniquement par Google Images. Le 9 octobre 2009, le TGI de Paris (3eme chambre, 4e section) condamnera Google comme un vulgaire site Warez, avec astreinte à la clef. Et peu importe les explications du moteur de recherche : selon le juge, « le fait que l'acte illicite soit issu de sites différents étant inopérant dans la mesure où son contenu et les droits de propriété intellectuelle y afférents, sont identiques ».
Le 4 février 2011, la Cour d'appel de Paris revient sur cette décision en s'appuyant cette fois sur le statut d'hébergeur. Les magistrats en arrivent cependant à la même solution : le moteur est certes hébergeur, mais il a trop tardé dans le nettoyage de ses pages, et surtout « ni accompli les diligences nécessaires pour empêcher la remise en ligne » de la photo de Bruel. C'est la sacralisation du "take down, stay down". Google est condamné à plusieurs milliers d'euros pour défaut de nettoyage et surtout défaut de filtrage des contenus dénoncés une seule et première fois. Google s'est pourvu en cassation.
Réapparition de la photo de Patriiiick sur quatre nouveaux sites.
L'affaire n'est cependant pas terminée. Deux semaines plus tard, le 18 février, le photographe fait constater la persistance du référencement de la photo de Bruel. En effet, elle a entretemps été réuploadée sur quatre autres sites notamment sur un site personnel Skyrock.
Re-procédure devant le TGI de Paris contre Google pour la diffusion et la réindexation d'images contrefaisantes. Cette fois le photographe exige 70 000 euros de dommages et intérêt, 20 000 euros pour liquidation de l'astreinte et 15 000 euros pour les frais de justice.
Google en défense conteste la mesure : l'indexation des images litigieuses sur les quatre sites n'est pas une contrefaçon. Pourquoi ? Les explications sont multiples. Essentiellement, « la possibilité d'indexer des images sans contrôle préalable et d'en afficher des aperçus en format vignette dans le cadre d'un moteur de recherche, trouve sa légitimité dans la liberté de communiquer et de recevoir des informations garantie par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». Ainsi, « l'outil Google images n'a pas pour objet de communiquer directement une image déterminée mais de rechercher et d'indexer des images aux fins d'information de l'internaute. »
Indexer des images répond à la liberté d'information.
Des arguments qui feront mouche. Dans la lignée de la décision Hadopi du Conseil constitutionnel, le tribunal de grande instance de Paris va analyser en ces termes Google Images :
Le fait d'indexer des images et de les afficher sous forme de vignettes sur la page de résultat est nécessaire à l'information de l'internaute et constitue un moyen essentiel d'accéder aux données stockées sur Internet.
Ces actions nécessaires à l'exercice effectif du droit à l'information, ne sont pas susceptibles d'engager la responsabilité de la société Google inc dans la mesure où elles constituent des prestations techniques qui s'opèrent de façon automatique et passive par l'application d'un algorithme, alors que la défenderesse n'a ni la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées.
Par ailleurs, le site Google images ne reproduit pas lui-même la photographie litigieuse mais se contente de fournir le lien permettant d'accéder au fichier où se trouve la photographie indexée.
Ainsi les seules opérations d'indexation, de stockage temporaire et de visualisation de vignettes sur les pages de résultat du moteur de recherche ne peuvent donner lieu à une condamnation de la société Google inc sur le fondement de la contrefaçon, non plus que sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun.
L'analyse est importante car elle pourrait s'appliquer sur n'importe quel moteur de recherche.
Empêcher les réindexations n'est pas possible techniquement.
Le photographe reproche également à Google de ne pas avoir su empêcher les réapparitions sur quatre nouveaux sites de la même photo dénoncées une seule et même fois en 2008. Le TGI rejette à nouveau l'argument avec une analyse a priori de bon sens :
En effet rendre responsable la société Google inc de toute nouvelle apparition d'une image alors qu'elle ne dispose pas des moyens techniques lui permettant d'en interdire l'accès, faute de pouvoir la localiser, reviendrait à rendre très périlleuse l'exploitation d'un moteur de recherche dont l'existence apparaît essentielle à l'utilisation d'Internet et à la liberté de communication.
En l'espèce, il n'est pas établi ni même seulement allégué que la société Google inc exploitant un moteur de recherche, est en mesure de rendre impossible l'accès à des images reproduites sur des sites Internet tiers alors qu'elle n'en connaît pas la localisation.
Dès lors sa responsabilité ne peut être engagée que lorsqu'elle a reçu une information précise sur les faits litigieux.
L'argumentation est cependant mal aisée car elle s'appuie seulement sur une impossibilité technique, non un argument juridique. Or, des services permettant de chercher une image à partir d'un fichier source existent depuis longtemps.
En attendant, faute pour le photographe d'avoir notifié correctement et précisément l'URL de chaque remise en ligne, rien ne peut être reproché à Google d'autant que ce dernier a depuis fait le ménage.
Au final, le tribunal allouera tout de même 10 000 € à Google au titre des frais de justice que devra verser l'auteur de la photo.
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