Vous n'êtes pas identifié.
Pages: 1
Réponse : 0 / Vues : 442
Ce week-end, nous avons vu les raisons pour lesquelles Netflix, Amazon et Disney+ devraient abandonner l'idée de faire de la fantasy, et laisser ce privilège à HBO (Game of Thrones). Aujourd'hui, alors que le film Élémentaire est en train de "se casser la gueule" au box-office, revenons quelques instants sur la responsabilité du groupe Disney dans la chute de Pixar.
L'échec d'Élémentaire.
Le 16 juin dernier, le studio Pixar sortait son vingt-septième long-métrage, Élémentaire, réalisé par Peter Sohn (Le Voyage d'Arlo), trois semaines après avoir fait la clôture du Festival de Cannes 2023. Malheureusement, le film a battu un triste record : avec 29,6 millions de dollars empochés au terme de son premier week-end d'exploitation, Élémentaire est le pire démarrage de l'Histoire du studio Pixar.
Mais cet échec, injuste quand on considère la qualité tout à fait correcte du film, n'est que la nouvelle étape de la mort annoncée d'un studio en perte de vitesse, à cause d'un certain nombre de décisions du groupe Disney. Mais pour le comprendre, il faut d'abord se rappeler des débuts du studio Pixar.
Le studio qui faisait la nique à Disney.
Après plusieurs courts-métrages réalisés 100% en 3D, le studio Pixar a éveillé la curiosité du studio Disney, qui a vu dans la bande formée autour de John Lasseter un concurrent dangereux. Pour limiter la casse, le studio Disney a décidé de proposer à Pixar un contrat de distribution pour leurs longs-métrages dès Toy Story (1995), réalisé par John Lasseter. Grâce à son concept génial, son humour qui fait toujours mouche, sa mise en scène soignée et son animation 3D révolutionnaire pour l'époque, le film a profondément révolutionné le cinéma d'animation.
Si Toy Story était un pari risqué, le succès a été immédiat de la part du public et la critique. En distribuant le premier film Pixar, et les suivants, le groupe Disney a tendu la perche pour se faire battre. D'autant plus que John Lasseter et sa bande de geeks ont eu l'outrecuidance de renouveler l'exploit. Dès 1001 Pattes (1998), le studio Pixar sort une longue série de chefs d'oeuvre tous plus marquants les uns que les autres : Toy Story (1999), Monstres et Cie (2001), Le Monde de Nemo (2003), Les Indestructibles (2004).
Pour le studio Disney, qui est en grande perte de vitesse, ces succès successifs sont insupportables ; à tel point que le groupe lance une opération boursière dès janvier 2006 pour racheter Pixar pour la modique somme de 7,4 milliards de dollars. (En comparaison, je rappelle que le rachat de Lucasfilm, pourtant détenteur de licences fortes comme Star Wars et Indiana Jones, a coûté à Disney 4 milliards de dollars ; en 2009, le rachat de Marvel coûte également 4 milliards de dollars ; si l'on est loin des 71 milliards de dollars du rachat de la 21st Century Fox, le montant extraordinaire du chèque qu'a déboursé Disney pour racheter un tout jeune studio d'animation montre la puissance de frappe de Pixar à l'époque.)
Le rachat de Pixar par Disney a été un pari gagnant pour le groupe aux grandes oreilles. En échange d'une totale liberté de création, le studio Pixar lui a livré quelques-uns des plus grands chefs d'oeuvre du cinéma d'animation américain. Jugez plutôt : de 2002, année de création de l'Oscar du Meilleur film d'animation, à 2023, le studio Pixar a remporté onze statuettes : Le Monde de Nemo (2004), Les Indestructibles (2005), Ratatouille (2008), WALL-E (2009), Là-haut (2010), Toy Story 3 (2011), Rebelle (2013), Vice-versa (2016), Coco (2018), Toy Story 4 (2020) et Soul (2021). Le deuxième studio à avoir remporté le plus de récompenses est le studio Disney, avec quatre statuettes : La Reine des Neiges (2014), Les Nouveaux Héros (2015), Zootopie (2017) et Encanto (2022).
Deux départs qui font mal.
Pourtant, depuis quelques années, la puissance de frappe du studio Pixar a énormément baissé. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. La première, peut-être la plus souvent soulignée, est bien évidemment le départ précipité de John Lasseter, accusé d'avoir eu des comportements déplacés à l'égard de certaines de ses employées. Le départ de cette figure légendaire du studio a plongé le studio dans la confusion. (Notons également que le départ de John Lasseter a été suivi par celui, pour raisons personnelles de Lee Unkrich, autre figure historique du du studio, qui a co-réalisé Toy Story 2, Monstres et Cie, Le Voyage de Nemo et Coco, et qui a réalisé Toy Story 3.)
Si la nomination du génie Peter Docter (à qui l'on doit quelques-uns des plus grands chefs d'oeuvre de Pixar, dont Monstres et Cie, Là-haut, Vice-versa et Soul) au poste de directeur artistique de Pixar a de quoi être réjouissante, le réalisateur ne semble pas avoir le répondant de John Lasseter. Du moins semble-t-il en difficulté dès lors où il s'agit de défendre ses propres décisions face aux pontes de Disney, notamment Bob Chapek et Bob Iger.
Ainsi, après avoir expliqué en long, en large et en travers que, suite au succès des Indestructibles 2 et de Toy Story 4, Pixar renonçait à l'idée de produire des suites, des prequels et des spin-offs, le studio à la lampe s'est finalement dédit en annonçant le film Buzz l'éclair (2022), ainsi que Vice-versa 2 pour 2024 et un cinquième volume de Toy Story, sans oublier plusieurs séries tirées de ses anciens succès à destination de Disney+. Et c'est là où le bât blesse.
Les décisions désastreuses de Disney.
Frappé, comme toute l'industrie par la pandémie de Covid-19, Pixar a fait les frais d'une décision dramatique de la part de Disney. Suite à l'échec en salles d'En Avant (2020) pour les raisons que tout le monde connaît, Disney a choisi de sortir les films suivants de Pixar directement sur Disney+. Une décision qui a énervé bon nombre de réalisateurs et d'animateurs qui ont travaillé sur des oeuvres destinées à la salle, et qui finalement servent de réserve à la plateforme du groupe Disney. Effet pervers : malgré un Oscar du Meilleur film d'animation pour Soul (2020), le film de Peter Docter, ainsi que les deux films suivants, Luca (2021) et Alerte Rouge (2022) ont eu un écho particulièrement limité, en dépit de leurs innombrables qualités artistiques.
La décision de sortir ces films Pixar directement sur Disney+ a été d'autant plus dommageable pour le studio que Soul, Luca et Alerte Rouge se sont retrouvés en concurrence directe avec les autres productions Disney privilégiées par les utilisateurs de la plateforme, à savoir les séries Lucasfilm comme The Mandalorian ou encore les séries du Marvel Cinematic Universe. Sans oublier les autres catalogues des autres SVOD.
Si Buzz l'Éclair (2022) a eu droit à une sortie en salle, le studio Pixar s'est vu imputé directement la responsabilité de son échec au box-office mondial. En effet, on apprenait il y a quelques semaines le licenciement de son réalisateur Angus McLane par le studio Disney, malgré son rôle-clé dans de nombreux films très importants de Pixar. Une décision profondément injuste, qui a provoqué la colère de nombreux fans, et qui a de quoi inquiéter : si Pixar se fait payer ses prises de risque artistiques, l'âme du studio pourrait bien disparaître.
L'échec annoncé d'Élémentaire de Peter Sohn a également de quoi poser question. En effet, beaucoup de spécialistes, dont nos confrères d'Écran Large, se sont interrogés sur le manque de communication autour du film. Par ailleurs, on peut s'interroger à propos de la décision de placer Élémentaire directement en concurrence de Spider-Man : Across the Spider-Verse, la dernière pépite révolutionnaire de Sony, sorti aux États-Unis le 2 juin dernier, et qui roule sur le box-office.
En noyant les productions Pixar dans le catalogue Disney+, ou en les sortant à des périodes qui ne sont pas opportunes, le groupe Disney a réussi à priver les films de la bande à Luxo Jr. du caractère événementiel qu'ils avaient autrefois. Un sentiment d'autant plus renforcé que depuis sa renaissance avec Raiponce (2010), le studio Disney a peu à peu copié la recette Pixar, à tel point qu'un public peu attentif au nom de studio pourrait prendre les films Pixar récents pour des films Disney, et inversement. Nombre de personnes sont persuadées que Coco (2017) est un film Disney et Zootopie (2016) un film Pixar. Cette confusion des identités Pixar et Disney bénéficie à Disney et se fait au détriment de Pixar.
L'espoir est-il permis ?
Pour l'heure, Pixar a cinq films annoncés : Elio, mis en scène par Adrian Molina (co-réalisateur de Coco aux côtés de Lee Unkrich), prévu pour le 1er mars 2024 ; Vice-versa 2 réalisé par Kelsey Mann, qui sortira le 14 juin 2024 ; ainsi que trois autres films anonymes, datés aux 13 juin 2025, 6 mars 2026 et 19 juin 2026, parmi lesquels figurera normalement Toy Story 5.
https://www.youtube.com/watch?v=2w_K3CB8PuE
On observe pour Elio une petite amélioration sur la promotion de la part de Disney. En effet, alors que sept mois séparaient la première bande-annonce d'Élémentaire de sa sortie en salles (même délai pour Buzz l'éclair), on note que le premier trailer d'Elio a été diffusé neuf mois et demi avant. Disney est-il décidé à plus soigner le marketing des prochains films Pixar ? Les prochains film du studio à la lampe de bureau redeviendront-ils des événements en soi ? L'avenir le dira.
Réponse : 0 / Vues : 442
Pages: 1