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Victorieux de la course à la Maison-Blanche, l'ancien et prochain président des États-Unis croit que son futur homologue russe est son ami. Mais il est bien le seul.
Une dizaine de jours ont passé depuis le triomphe électoral de Donald Trump. Et déjà, le président russe Vladimir Poutine -un des hommes forts que le futur président républicain des États-Unis admire le plus- lui met la tête à l'envers.
Tout d'abord, Vladimir Poutine a attendu deux jours, le jeudi 7 novembre, avant de féliciter Donald Trump pour sa victoire. On imagine très bien le prochain président américain recevant des coups de fil obséquieux des dirigeants du monde entier -le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, le président palestinien Mahmoud Abbas, le secrétaire général de l'OTAN Mark Rutte, les chefs d'État européens- tout en s'interrogeant sur l'homme qu'il admire, tant en public qu'en privé, depuis huit ans: «Mais quand est-ce que Vladimir va m'appeler?»
Puis, en réponse à l'affirmation de Donald Trump selon lequel, durant leur conversation, il aurait demandé à Vladimir Poutine de ne pas intensifier la guerre en Ukraine (selon certains, il l'aurait «averti»), le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a nié que les deux hommes ont parlé au téléphone (Vladimir Poutine a offert ses félicitations tardives dans le cadre d'une conférence de presse).
J'ignore lequel dit la vérité, étant donné qu'il est notoire qu'aucun des deux n'est particulièrement coutumier du fait. Quoi qu'il en soit, dans les quelques prochaines semaines, lorsque Vladimir Poutine ordonnera à 50.000 recrues toutes fraîches (dont 10.000 soldats nord-coréens d'importation) de se livrer au prochain saccage sur le front du conflit russo-ukrainien -lorsqu'ils expulseront les soldats ukrainiens de la mince tranche de territoire russe qu'ils détiennent depuis le mois d'août dans la région de Koursk, puis regagneront du terrain dans le Donbass, de l'autre côté de la frontière-, il pourra dire à un Donald Trump qui s'en plaindra qu'il n'a aucun souvenir d'avoir eu une telle conversation.
Si Donald Trump pense que Vladimir Poutine va s'abstenir d'intensifier ses attaques en Ukraine pour faire une fleur à un ami, disons qu'il est possible que l'ancien et futur président des États-Unis tire des leçons sur les limites des relations personnelles face à la perception des intérêts nationaux dès le début de son second mandat.
Chantage, menace et désinformation.
Le dernier rebondissement de cette saga a eu lieu le lundi 11 novembre, lorsque Nikolaï Patrouchev, conseiller de Vladimir Poutine et ancien chef du service de renseignement intérieur russe (FSB), a fait le commentaire suivant au cours d'un entretien accordé au journal moscovite Kommersant. «La campagne électorale est terminée. Pour s'assurer le succès à l'élection, Donald Trump s'est appuyé sur certaines forces envers lesquelles il a désormais des obligations. En personne responsable qu'il est, il sera obligé de les respecter.»
Voilà un hallucinant exemple de guerre psychologique! En gros, les Russes disent à Donald Trump: «Nous vous avons porté au pouvoir. Maintenant, c'est l'heure de rembourser.» Est-ce que cela a poussé Donald Trump à se demander: «Mais c'est quoi ce bordel?!»
Il est bien établi que vers la fin de cette campagne présidentielle, les Russes ont créé et diffusé des vidéos bidon, conçues pour détourner les électeurs de la vice-présidente démocrate Kamala Harris. Une de ces vidéos mettait en scène un prétendu migrant haïtien clandestin affirmant avoir voté plusieurs fois dans l'État de Géorgie. Fait rare, le FBI, le Bureau de la directrice du renseignement national (ODNI) et l'Agence de cybersécurité et de sécurité des infrastructures (CISA) ont publié une déclaration commune à ce sujet, le 1er novembre, pour avertir que ces vidéos étaient fausses et d'origine russe. Les Russes sont également à l'origine d'alertes à la bombe, survenues le jour du scrutin, le 5 novembre, dans des bureaux de vote de quartiers noirs qui ont tendance à davantage favoriser les candidats démocrates.
Cependant, il n'existe aucune preuve -et personne n'a encore prétendu- que Donald Trump ou quiconque dans son équipe de campagne était de mèche ou même au courant de ces vidéos ou de ces menaces. Si Donald Trump était impliqué d'une quelconque manière, ou si la Russie possède une autre forme de kompromat (du matériel compromettant) envers lui, le message de Nikolaï Patrouchev est une menace de chantage fabuleusement osée, faite en public, contre un futur président américain.
Une relation ambiguë et incertaine.
Si Donald Trump n'a rien à voir avec cette frasque, la manœuvre de Nikolaï Patrouchev, montre -d'aucuns diraient confirme- que le principal objectif de toutes ces entreprises de désinformation de la Russie est de semer le chaos, cultiver la méfiance et affaiblir les fondations de la démocratie dans les pays occidentaux, tout particulièrement aux États-Unis, quel que soit le locataire de la Maison-Blanche.
Les rapports de Donald Trump vis-à-vis de ces opérations -à savoir s'il est totalement conscient de leur ampleur et de leur profondeur- ne sont pas connus pour l'instant. Sa politique étrangère, au sujet de laquelle il s'est clairement exprimé de nombreuses fois, s'oriente vers un réalignement avec la Russie de Vladimir Poutine. Lors de son premier mandat, au cours d'une conférence de presse à Helsinki, en juillet 2018, Donald Trump avait affirmé croire davantage Vladimir Poutine que ses propres agences de renseignement au sujet de l'ingérence de la Russie dans l'élection présidentielle américaine de 2016.
Plus largement, Donald Trump déteste les alliances multinationales et tout particulièrement l'OTAN. Il considère que l'aide américaine à l'Ukraine est un gaspillage financier. Il ne porte pas vraiment le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans son cœur: il l'a qualifié de «meilleur commercial de la planète» et il ne fait aucun doute qu'il éprouve toujours une certaine amertume vis-à-vis du rôle que leur «magnifique conversation téléphonique» a joué dans son premier procès en destitution en 2019 (l'appel durant lequel Donald Trump a essayé de suspendre la livraison de missiles antichars américains pour que Volodymyr Zelensky accepte de déclencher une enquête pour incriminer Hunter Biden, le fils du président démocrate).
Toute la branche MAGA (Make America Great Again) du Parti républicain -c'est-à-dire tout le parti- soutient le désir de Donald Trump de renouer de bonnes relations avec la Russie, pour mieux s'attaquer au vrai adversaire de l'Amérique: la Chine de Xi Jinping. Parmi les premières nominations de Donald Trump -le représentant Mike Waltz en tant que conseiller à la sécurité nationale, le sénateur Marco Rubio comme secrétaire d'État et la représentante Elise Stefanik nommée ambassadrice des États-Unis auprès des Nations unies-, tous partagent ce même point de vue.
Peu de temps après sa victoire présidentielle, le 10 novembre, Donald Trump a mis un point d'honneur à annoncer sur son réseau Truth Social que son ancien secrétaire d'État Mike Pompeo (2018-2021) et l'ancienne ambassadrice américaine à l'ONU Nikki Haley (2017-2018), qui avaient tous deux fait pression pour obtenir un poste à haute responsabilité, n'auraient pas leur place dans sa nouvelle administration. Nikki Haley a commis le péché mortel de s'être présentée contre Donald Trump lors des primaires républicaines. Mais au-delà de ça, elle et Mike Pompeo ont soutenu et soutiennent toujours une intensification de l'aide apportée à l'Ukraine. Donc, exit.
On ne peut que se demander ce que fera Donald Trump -changera-t-il de position et en est-il seulement capable?- lorsqu'il se rendra compte, s'il se rend compte un jour, que Vladimir Poutine n'est pas son ami. Ce qui est sûr, c'est qu'il ferait bien de ne pas se comporter comme si c'était le cas.
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